LE CYBER-HOTEL : LE CONTRAT D’HEBERGEMENT

LE CYBER-HOTEL : LE CONTRAT D’HEBERGEMENT

  • Introduction :

Internet, et ce que l’on appelait encore il y a quelques années « les autoroutes de l’information » ont fait apparaître de nouveaux contrats spécifiques au réseau tels que le contrat d’hébergement, le contrat de conception de site, le contrat de référencement, le contrat de « portail »…

Ainsi apparaissent de nombreux prestataires de services. L’idée de cyber-hôtel, pour sa part, se rattache particulièrement au contrat d’hébergement. A travers cette opération, le fournisseur met à disposition de l’hébergé son disque dur sur lequel ce dernier loue un emplacement où va être inséré son site et où un internaute pourra venir le consulter. Ce sont donc un espace et des moyens techniques qui sont présentés au preneur qui l’utilise ensuite à son gré. Maître Itéanu a également défini l’opération comme suit : « Contrat… par lequel le prestataire met à la disposition de son abonné une partie des ressources de ses machines : espace disque dur et capacité de traitement en temps machine. »[1] L’hébergeur n’a pas à créer le site du preneur ; celui-ci doit le constituer ou le faire constituer par un tiers.

Si certains juristes ont voulu qualifier ce contrat d’hébergement de contrat d’entreprise, il apparaît que les fournitures techniques sont sommaires et qu’il ne reste qu’une mise à disposition d’un emplacement requalifiant le contrat en contrat de bail électronique. S’agissant d’une location d’un service d’hébergement, les règles de l’article 1713 et suivants du Code civil trouvent ici leur application.

Aussi, de ce contrat naissent obligations qu’il nous appartient d’étudier (I) mais aussi des responsabilités pour chacune des parties à l’égard des tiers (II).

I. Les obligations respectives des parties

  1. Obligations de l’hébergeur/bailleur

La principale obligation de l’hébergeur/bailleur est de mettre effectivement à disposition du preneur l’emplacement sur le disque dur prévu dans le contrat.

En outre, si le preneur envisage de créer un site commercial d’une importance non négligeable, il devra prévoir avec son bailleur les termes de maintenance technique et l’extension éventuelle des obligations du bailleur.

Le contrat peut de surcroît prévoir les configurations de support c’est-à-dire tout ce qui est de l’ordre des sécurités physiques et logiques.

Aussi, les obligations du bailleur sont-elles restreintes ; sauf dans les cas où le contrat étend les prestations du bailleur, celui-ci est seulement tenu de mettre à disposition un emplacement. Il n’a aucune obligation de résultat, l’obligation visée n’étant q’une obligation de moyens. En effet, l’hébergeur doit assurer la mise à disposition de la parcelle sur le disque dur avec tous les moyens prévus mais il ne peut assurer son client que tous les moyens mis en œuvre par l’hébergeur lui permettront d’atteindre l’objectif escompté (sauf assistance prévue dans le contrat).

Véritablement, l’hébergeur laisse au preneur la libre jouissance informatique de l’emplacement.

Il pourra cependant se montrer plus actif en transmettant notamment régulièrement le nombre de connexions au site

2.  Les obligations du preneur/hébergé

Comme il a été signalé plus haut, le preneur est libre de disposer de l’espace qui est mis à sa disposition.

D’un point de vue technique, il ne peut exploiter un espace plus grand que celui qui lui a été alloué. Il doit se contenter de l’espace qu’il a voulu louer dans le contrat liant les deux parties. Comme pour un contrat de location réel, le preneur ne peut en effet prétendre de droits sur les autres parties de l’immeuble. Ici il en est de même.

Par ailleurs, le preneur peut être tenu par les stipulations du contrat à ne mettre en mémoire et à ne traiter que des informations licites, conformes à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Cette obligation peut être contractuelle comme elle peut être légale sauf dérogation. Cette précision peut se retourner contre l’hébergeur car s’il précise le comportement de son preneur, il peut être tenu de veiller sur celui-ci s’il s’engage à le contrôler.

Enfin, l’hébergé est tenu de payer le prix convenu sauf s’il s’agit d’un contrat à titre gratuit.

II. La responsabilité des parties au contrat d’hébergement

Outre les responsabilités découlant du contrat entre les parties, les juridictions sont récemment intervenues afin de spécifier les responsabilités de chacun.

En effet, comme nous l’avons signalé plus haut, plus l’hébergeur voudra s’impliquer dans la gestion de l’emplacement mis à disposition de l’hébergé, plus sa responsabilité pourra être retenue. Même s’il tend à s’exonérer par des clauses limitatives de responsabilité, les juridictions appréciant au cas par cas, celles-ci peuvent être réputées non écrites.

  1. La responsabilité de droit commun retenue par les tribunaux

Deux décisions importantes ont récemment été rendues afin de déterminer les responsabilités de chacune des parties quant au contenu du site[2]. Ces affaires portaient plus particulièrement sur des diffusions de photographies portant atteinte au droit à l’image en vertu de l’article 9 du Code civil.

Les juridictions ont retenu la responsabilité du créateur de site hébergé comme rédacteur du contenu éditorial mis en ligne. Il ne contestait pas en l’occurrence ne pas avoir obtenu les autorisations nécessaires des personnes lésées par la diffusion mise en cause.

L’hébergeur cherchait au contraire à se dédouaner en affirmant que son rôle se limitait à assurer le transfert de données dans l’instantanéité et sans possibilité de contrôler le contenu de ce qui transite par son service.

Dans les deux cas, les tribunaux ont retenu que le créateur de site est responsable de son contenu sur le fondement de l’article 1382 du Code civil et que le régime de la responsabilité de l’hébergeur doit être établi sur le fondement de l’article 1383 du Code civil. Ainsi, l’hébergeur/bailleur est-il tenu d’une obligation générale de prudence et de diligence. Aussi, il lui appartient de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter de léser les droits des tiers et il doit mettre en œuvre à cette fin des moyens raisonnables d’information, de vigilance et d’action. Cependant, il n’appartient pas au fournisseur d’hébergement d’exercer une surveillance minutieuse et approfondie du contenu des sites qu’il abrite. Il doit prendre les mesures raisonnables qu’un professionnel avisé mettrait en œuvre pour évincer de son serveur les sites dont le caractère illicite est apparent, cette apparence devant s’apprécier au regard des compétences propres au fournisseur d’hébergement. D’autres décisions ont également été rendues dans ce sens[3].

Ayant recours au droit commun de la publication, les tribunaux ont reconnu aux hébergeurs des compétences importantes dans la gestion de leurs espaces loués et leur font incomber un devoir de vigilance et de diligence. Ainsi, et malgré les clauses de non-responsabilité visées plus haut, les tribunaux refusent de voir l’hébergeur comme un simple bailleur mettant à disposition un espace sur lequel le preneur a une jouissance absolue.

2. La loi du 1er août 2000 et la nouvelle responsabilité sur Internet

Le 1er août 2000, le législateur a adopté une loi n°2000-719, laquelle a connu la censure du Conseil constitutionnel par une décision n°2000-433 DC du 27 juillet 2000, modifiant la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

L’article 43-8 nous préoccupe en l’occurrence car il vise la responsabilité civile et pénale des hébergeurs « qui assurent, à titre gratuit ou onéreux, le stockage direct et permanent pour mise à disposition du public de signaux, d’écrits, d’images de sens ou de messages de toute nature accessible par ces services ».

La loi avait tout d’abord prévu leur responsabilité s’ils n’avaient pas agi promptement pour empêcher l’accès au contenu illicite sur demande des autorités judiciaires ou des tiers lésés. Le Conseil a estimé que la responsabilité à l’égard des tiers était contraire à la Constitution et a censuré ce dispositif.

Ainsi, deux régimes distincts de responsabilité s’imposent aux hébergeurs au vu de la loi nouvelle.

D’une part, en matière civile, le législateur renvoie au régime commun et aux décisions rendues précédemment relatives aux tiers lésées qui doivent saisir les tribunaux compétents ;

D’autre part, en matière pénale, le régime applicable, dû à la censure du Conseil constitutionnel, est celui des auteurs et éditeurs de message.

Il reste que le créateur du site voit sa responsabilité toujours engagée dans tous les cas de figure.


[1] ITÉANU, Les contrats du commerce électronique, Droit et Patrimoine, décembre 1997, n°55, p. 52 et s.

[2] TGI Nanterre, 8 décembre 1999 Mme L. c/ SA Multimédia Production et a ; CA Paris, Estelle Hallyday c/ V. Lecambre.

[3] TGI Paris, ord. Réf., 12 juin 1996, UEJF c/ Calvacom et a. ; TGI Paris, 22 février 1999, SA Christian Dior Couture c/ Fashion TV Paris et a.