Du secret professionnel au secret des affaires

Du secret professionnel au secret des affaires

Tandis que la Directive européenne sur la protection des informations économiques non divulguées et les savoirs-faires reste an gestation (et se fasse attendre) [ sur le sujet lire notre BSA #5 « le secret des affaires n’est pas mort ni enterré ] et que quelques mandarins pérorent avec des acteurs d’un ancien temps le jour du poisson d’avril (sic !), l’actualité judiciaire continue à nous apporter son lot de décisions prétoriennes venant toujours circonscrire davantage le secret.

 

Concernant le secret professionnel de l’avocat, nous avions déjà exposé les dernières tendances jurisprudentielles dans le BSA #2 http://www.institut-ie.fr/bsa/BSA_02_12_2012.pdf – et ce alors même que certains imaginent encore que le secret de l’avocat demeure un sanctuaire inviolable – et à l’heure des restrictions des libertés, la profession doit davantage rester vigilante et rappeler les règles de garantie démocratique.

 

Déjà, le philosophe avançait :

 

« Entre secret et divulgation, une tension permanente traverse en fait notre époque, plus intensément qu’aucune autre. Nos moyens de tout surveiller, de recouper les informations, de pister les trajectoires se démultiplient. La nécessité de préserver l’anonymat, la vie privée, les secrets personnels ou industriels devient à la fois plus impérieuse et plus malaisée à mettre en œuvre. On se prend à rêver d’un nouvel art de la dissimulation, d’une sorte de cachotterie bien tempérée. Quelques règles de base pourraient y présider. »

 

DROIT Roger-Pol, « Dangereuse transparence », in Les Echos, n°21046 du 26 octobre 2011

 

Ainsi, dans le cadre de la validation des écoutes opérées entre Nicolas SARKOZY et Thierry HERZOG, la Cour de cassation a affirmé dans son arrêt du 22 mars 2016 « [qu’]aucune disposition légale ou conventionnelle ne fait obstacle à la captation, à l’enregistrement et la transcription des propos d’un avocat intervenant sur la ligne téléphonique d’un tiers régulièrement placée sous écoute, dès lors que (…) cet avocat n’assure pas la défense de la personne placée sous surveillance. »

Face à l’émoi de la profession suscitée par cette décision, le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Paris a déclaré que cela revient à dire que « le seul avocat que l’on ne peut pas écouter est celui de quelqu’un qui fait l’objet d’une procédure pénale. (…) il n’y a plus de secret des affaires, ou de secret économique ». C’est effectivement l’interprétation des juges depuis plusieurs années déjà.

http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2016/03/22/le-batonnier-de-paris-scandalise-par-l-arret-de-la-cour-de-cassation-sur-les-ecoutes-sarkozy_4888041_1653578.html

 

Dans une autre affaire, au visa de l’article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, régissant la confidentialité des correspondances échangées entre avocats, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a retenu pour principe que le secret professionnel des avocats ne s’étend pas aux documents détenus par l’adversaire de leur client, susceptibles de relever du secret des affaires, dont le refus de communication constitue l’objet même du litige.

Cass. Civ 1ère, 25 févr 2016, n°14-25729

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