Le redoutable article 145 du Code de procédure civile pour accéder au secret des affaires d’un concurrent
Nous avons déjà commenté cet article à plusieurs reprises (notamment une recension complète ici http://editionslarcier.larciergroup.com/titres?id=127149_2 ), évoquant la possibilité, par dérogation au principe du contradictoire, de saisir une juridiction sans en aviser la partie opposée visée par la mesure sollicitée.
Cette arme processuelle est à double tranchant car il suffit, sans argument contraire avancé, de convaincre le juge pour obtenir la mesure sollicitée, pour peu que les conditions prévues par le Code de procédure civile soient réunies. Une telle initiative permet de réunir et de déceler des preuves présentes chez l’adversaire, qui n’est pas averti de la mesure dont il fait l’objet.
Mais c’est aussi une manière de surprendre son concurrent et, sous couvert d’accusations déloyales, de percer ces secrets industriels et commerciaux avec l’approbation d’un juge instrumentalisé.
Tel est le cas dans cette affaire dont nous avons été un conseil – dans l’ombre – où une entreprise s’est trouvée malgré à se déposséder de nombreux éléments stratégiques, sur la base d’un ordonnance ayant confié une mission extensive de saisie à un huissier où le juge avait été abusé par une société rivale. Fort heureusement, cette masse substantielle de données avait été séquestrée dans l’attente de la déconsignation par le juge. En riposte, la société visée par cette mesure exorbitante a demandé l’ouverture des débats pour faire entendre a posteriori ses arguments légitimes. Sur la base de cet échange contradictoire, où il a été mise en évidence que le prétendu « plan concerté » imaginé par la partie adverse s’était avéré être une fantaisie procédurière, le juge est revenu sur sa décision, ayant procédé par rétractation, estimant devoir protéger le secret des affaires de la partie tenue dans l’ignorance de la demande de mesure d’ingérence.
CA Paris, 6 septembre 2016, non publié
Sur le même fondement, mais jugé en sens inverse, la Cour de cassation a mis fin à une procédure initiée sur un tel artifice procédural par venteprivée.com, contre son concurrent showroomprivé, où ce dernier avait reproché à venteprivée.com d’avoir détourné la voie procédurale (au lieu de s’en remettre à une saisie-contrefaçon prévue par le Code de la propriété intellectuelle). En l’espèce, la juridiction suprême a estimé que la requête non contradictoire était fondée car basée sur des motifs commerciaux et non des droits privatifs.
Cass. Com. 22 novembre 2016 : https://www.legalis.net/jurisprudences/cour-de-cassation-ch-com-arret-du-22-novembre-2016/
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