Réflexion sur la loi SAPIN 2 : la corruption, mal absolu ?
« La corruption est le cancer qui sévit au cœur de tant de problèmes du monde » a déclamé David CAMERON le 10 mai dernier. On ne peut qu’approuver son propos.
Toutefois, nous avions déjà démontré comment l’accusation de corruption, perçue comme la rémunération contre l’obtention d’un marché ou d’un service, devenait pour un rival un moyen de disqualifier son concurrent https://www.demaisonrouge-avocat.com/2015/01/13/la-charte-dethique-une-dimension-vertueuse-de-lentreprise-doublee-dun-outil-de-management-des-risques/ On a vu également comment ALSTOM s’est retrouvée prise au piège et comment General Electric a pu acquérir sa branche d’activité énergie http://synfie.fr/index.php/actualites/lettre-trimestrielle/finish/5-lettre/500-lettre-d-information-du-synfie-mars-2016
Sur le principe et dans les faits, la pratique est éminemment condamnable.
Toutefois, il convient de savoir ce que recouvre en réalité l’accusation, à l’heure où la loi SAPIN 2 s’en empare.
A cet effet, il faut se tourner vers la principale ONG Transparency International œuvrant sur ce thème, laquelle publie chaque année un baromètre de la perception de la corruption dans le monde. Il s’agit donc de mesurer un sentiment et non une donnée objective, ce que n’a pas manqué de relever Le Monde http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/05/13/comment-mesure-t-on-la-corruption-dans-le-monde_4919107_4355770.html . En outre, la Fondation Prometheus met régulièrement en évidence le fait que Transparency International n’est pas un organisme indépendant http://www.fondation-prometheus.org/wsite/publications/a-la-une/transparency-international-une-%c3%a9thique-%c3%a0-g%c3%a9om%c3%a9trie-variable/ ceci étant destiné à jeter une suspicion sur les motivations réelles de l’ONG.
Mais au-delà, encore faut-il s’entendre sur la notion même de corruption.
L’article 432-12 du Code pénal nous en donne une définition https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000028311941&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20160526&oldAction=rechCodeArticle&fastReqId=238007684&nbResultRech=1 (et encore l’article 433-1 du même Code).
Wikipedia propose celle-ci :
La corruption est la perversion ou le détournement d’un processus ou d’une interaction avec une ou plusieurs personnes dans le dessein, pour le corrupteur, d’obtenir des avantages ou des prérogatives particulières ou, pour le corrompu, d’obtenir une rétribution en échange de sa complaisance. Elle conduit en général à l’enrichissement personnel du corrompu ou à l’enrichissement de l’organisation corruptrice (groupe mafieux, entreprise, club, etc.). C’est une pratique qui peut être tenue pour illicite selon le domaine considéré (commerce, affaires, politique…).
Cela étant, avec une telle affirmation, il ne faut pas créer d’amalgame avec certaines pratiques culturelles patrimoniales, propres à certaines structures humaines, lesquelles seraient néanmoins susceptibles d’être sanctionnées et pourraient remettre en cause un schéma organisationnel ancestral, voire tout un écosystème.
Enfin, Transparency l’entend de la manière suivante :
Generally speaking as “the abuse of entrusted power for private gain”. Corruption can be classified as grand, petty and political, depending on the amounts of money lost and the sector where it occurs.
Grand corruption consists of acts committed at a high level of government that distort policies or the central functioning of the state, enabling leaders to benefit at the expense of the public good.
Petty corruption refers to everyday abuse of entrusted power by low- and mid-level public officials in their interactions with ordinary citizens, who often are trying to access basic goods or services in places like hospitals, schools, police departments and other agencies.
Political corruption is a manipulation of policies, institutions and rules of procedure in the allocation of resources and financing by political decision makers, who abuse their position to sustain their power, status and wealth.
https://www.transparency.org/whoweare/organisation/faqs_on_corruption/2/
Ces définitions convergentes constituent des approches incontestables, mais néanmoins imparfaites, sauf à prétendre que la corruption recouvre également toute soumission intellectuelle, sans rapport financier, que l’on pourrait nommer « colonisation des esprits par l’influence ».
Déjà, Blaise PASCAL écrivait :
« Qu’il est difficile de proposer une chose au jugement d’un autre sans corrompre son jugement par la manière de lui proposer. »
Dans cet esprit, il pourrait être plus prosaïquement considéré que figurent au rang de la corruption toute action qui consiste à étendre son influence économique, juridique, financière, commerciale sur un Etat ou les entreprises étrangères, par voie de violence économique, crainte, obligation prétendument morale … et les corrupteurs désignés ne seraient plus nécessairement les mêmes.